19 Mai Ludopédagogie en 2023 : Démystification de l’art subtil de l’apprentissage par le Jeu
Au cœur de l’ère numérique, le monde de la formation professionnelle s’oriente indéniablement vers la ludopédagogie, cette approche innovante qui intègre le jeu comme modalité pédagogique pour traduire les activités d’apprentissage ordinaires en expériences attrayantes et engageantes.
Toutefois, je me dois d’insister sur le terme « interprété », car un jeu n’est ludique que s’il est reconnu comme tel. Il est crucial de prendre en compte le contexte culturel dans lequel la formation est dispensée, car, dans notre sagesse collective, le jeu a longtemps été dénigré comme une activité infantile, improductive, voire futile, voire éducatif uniquement pour les enfants.
Depuis les années 1980, cependant, le jeu a connu un essor remarquable dans le domaine de la formation professionnelle. Aujourd’hui, ses vertus pédagogiques sont non seulement reconnues à leur juste valeur, mais ont également fait de lui un outil presque indispensable. Malgré cela, son usage n’est pas exempt de précautions.
Démystification des Mythes de la Ludopédagogie
Il est indéniable que des activités de formation dynamiques et conviviales favorisent l’engagement des participants. Toutefois, la véritable motivation à apprendre va bien au-delà des simples gratifications immédiates et dépend largement du projet de vie personnel de l’apprenant, souvent en contraste avec les objectifs de l’entreprise. Il est donc crucial d’éviter la tentation de recourir à la ludopédagogie comme moyen de dissimuler la réalité d’une formation moins séduisante, une approche souvent qualifiée de « chocolat sur les brocolis ».
Le Jeu et ses Qualités Pédagogiques Intrinsèques
Le jeu ne devrait pas être réduit à un simple subterfuge pédagogique. Un usage abusif et manipulatoire du jeu peut en effet nuire à sa crédibilité et celle du formateur. Les véritables qualités du jeu résident dans son potentiel à engager l’apprenant, à favoriser son autonomie et son droit à l’erreur. L’erreur dans le cadre du jeu n’est pas stigmatisée et l’apprenant-joueur a toujours la possibilité de recommencer. Il est donc plus judicieux de valoriser ces qualités intrinsèques du jeu plutôt que de chercher à en faire un simple outil de motivation.
Si l’effet « Waouh » a prouvé son efficacité dans le domaine du marketing, son application dans la formation est loin d’être aussi probante. L’émotion intense et passagère qu’il suscite peut laisser place à la frustration lorsque les apprenants reviennent à la réalité de l’apprentissage, qui nécessite inévitablement concentration, réflexion et remise en question.
Effort et Satisfaction : Les Clés de l’Apprentissage
Prenons l’exemple d’un phénomène de jeu actuel, l’escape game. Les participants sont mis au défi de résoudre des énigmes pour sortir d’une pièce, une activité dont la finalité est claire et engageante. Toutefois, l’apprentissage n’est réellement efficace que si la résolution des énigmes requiert l’application des connaissances que le formateur cherche à transmettre. C’est alors la satisfaction d’avoir surmonté des défis, perçue comme une récompense de l’effort fourni, qui favorise l’apprentissage et renforce la mémoire épisodique.
Le concept d' »apprentissage par le jeu » peut prêter à confusion. Il est vrai que le jeu offre un environnement propice à l’apprentissage, mais il est impératif de comprendre que l’acquisition de concepts par le jeu n’est réellement effective que lorsqu’elle est suivie d’un débriefing visant à établir des liens entre l’expérience vécue dans le jeu et les concepts abstraits de la formation.
En d’autres termes, l’apprentissage par le jeu nécessite un aller-retour constant entre les phases de jeu et les phases d’enseignement explicite. C’est ce que l’on appelle la « pédagogie du détour », dont le jeu est une composante essentielle. On n’apprend pas en jouant, mais en réfléchissant à l’expérience vécue pendant le jeu.
Ainsi, la question de l’efficacité de la ludopédagogie ne peut être abordée sans prendre en compte la manière dont les jeux sont utilisés. L’impact d’un même jeu peut varier considérablement en fonction de la manière dont il est intégré dans la formation. Des questions plus pertinentes seraient : Comment évaluer les qualités intrinsèques d’un jeu ? Comment l’intégrer dans un parcours pédagogique en l’alternant à d’autres activités ? Quel jeu est le plus adapté à quel type d’apprentissage ?
En somme, on n’apprend pas mieux en jouant. On apprend mieux lorsque les jeux sont bien conçus pour des objectifs d’apprentissage clairement définis, et lorsque le formateur a créé les conditions nécessaires pour que le temps dédié au jeu soit intégré dans un scénario pédagogique bien pensé.